On se sert du roman policier pour faire passer toutes sortes de « messages », messages prétendument humanitaires, ou carrément philosophiques! Il y a un courant assez fort, actuellement, qui véhicule des trames ayant pour base l’indispensable policier véreux et l’assassin, innocente victime du sort. ... Entre parenthèses, aucun suspens quant à l’identité du coupable : c’est invariablement « la société ». Et tout cela, bien sûr, baigne la plus béate utopie.

— Paul Halter, À 139 pas de la mort

vendredi 8 juillet 2011

Le Diable de Dartmoor — Paul Halter (1993)

Dartmoor, au début de notre histoire
 « Vous croyez aux fantômes ? Remarquez, je n’en serais pas surpris : tout le monde, ici, croit aux démons, à Satan, aux sorcières, aux lutins, aux cavaliers sans tête et à je ne sais quoi encore… Oui, ils y croient, et pas seulement ce crétin de Basil ou ce brave George, mais aussi le professeur, le docteur, sans oublier le chef de la police ! Oh ! ils ne l’avouent pas franchement, ils affirment tout simplement qu’il faut rester prudent avec ces choses-là ! »
— Inspecteur Archibald Hurst, Le Diable de Dartmoor (chapitre 18)

Le Diable de Dartmoor est un livre de Paul Halter, écrit en 1993. (Voici un fait intéressant : c’était publié en avril, seulement un mois avant ma naissance…) Voici un vrai chef-d’œuvre : Halter suit la formule des meilleurs livres de John Dickson Carr, et le résultat est fascinant.

Le cadre est le village de Stapleford, près de Dartmoor en Angleterre, où l'on peut parfois entendre hurler le chien des Baskerville… Dartmoor est une région pleine des légendes fantastiques de toutes sortes. Comme le dit le docteur Alan Twist : « il paraît qu’il n’est pas un kilomètre carré où n’ait eu lieu quelque fait plus ou moins tragique et mystérieux à un moment quelconque du passé. » Avant d’écrire le livre, Paul Halter s'est rendu en pèlerinage en Angleterre, et cela se sent. Dartmoor, sous la plume de Halter, semble réel : le décor est magnifique, mais quelque chose de terrifiant se cache dans l'ombre… Résultat ? Une excellente atmosphère. C’est un point important— car faisant souvent défaut au « style Halter ». L’histoire que Halter raconte est excellente, mais son atmosphère la rend plus passionnante encore.

Halter fait vraiment preuve d'une grande maîtrise avec ses intrigues. Je pense que, de tous ses livres que j’ai lus, Le Diable de Dartmoor est le meilleur de ce point de vue. Le début du livre introduit les premiers éléments de mystère: trois filles sont assassinées, et des témoins établissent une chose… le coupable ne peut être qu’un homme invisible ! Basil, l’ivrogne de village, en rajoute encore: la nuit du premier meurtre, il a vu un cavalier sans tête sur un cheval s'envoler dans le ciel! Personne ne le croit, le coroner déclare que les morts sont accidentelles, et quelques années s'écoulent sans autre incident...

Puis Nigel Manson, un jeune comédien, est victime à son tour de l’homme invisible. Il pose pour une photo à une fenêtre, mais tombe et se tue. Les témoins s'accordent pour dire qu'il a été poussé... mais n'ont vu personne s'approcher de lui!

Voilà un livre dont John Dickson Carr serait fier. Halter intrigue ses lecteurs avec des évènements bizarres et mystérieux. Les témoignages sont intrigants — par exemple, la femme du feu Nigel Manson dit qu’elle a senti un courant d’air, comme si quelqu’un passait auprès d’elle. Halter explique tout et donne au lecteur tous les indices, contrairement au livre dont je parlais la semaine dernière, À 139 pas de la mort. Le problème est complexe, mais la solution est élégante d'une simplicité étonnante; et Halter multiplie les pièges et les fausses pistes.

Une adaptation de bande-dessiné
Peut-être avez-vous déjà deviné que les détectives sont le docteur Alan Twist et son partenaire, l’inspecteur Archibald Hurst. Leur rôle se borne à enquêter —on n’en apprend pas beaucoup sur eux. Il serait un peu injuste de les qualifier de « ternes » , mais cela donne une bonne idée de ce à quoi il faut s'attendre. (Au moins ne sont-ils pas agaçants comme Philo Vance, dont la popularité en son temps ne cesse de m’étonner.) Mais honnêtement, j’aime cette approche. Je ne veux pas entendre parler de l’enfance terrifiante du détective, je veux le voir enquêter. C'est le mystère qui compte.

Aussi, Halter réalise bien ses personnages. Ils ne sont pas extrêmement complexes, mais ils sont intéressants et sonnent pour une fois vraiment anglais.

En conclusion, Le Diable de Dartmoor est un excellent livre. Halter montre beaucoup d’ingéniosité, et comme toujours, son imagination est fascinante. L’atmosphère, le milieu, et l’énigme sont sublimes, les personnages sont bons… Je ne vois rien à critiquer. Au contraire : c’est un des meilleurs livres que j’aie lus en 2011.

1 commentaire:

  1. Bonne chronique à propos d'un livre effectivement très prenant.
    Je me souviens que ce roman exploitait très bien le thème de l'homme invisible. De plus, le gimmick était à la fois d'une grande simplicité
    et suffisamment atypique pour être difficile à anticiper. J'avais été un pu déçu par le précédent livre d'Halter, "La lettre qui tue", qui était finalement assez éloigné de ses énigmes impossibles (mais certains lecteurs ont plébiscité l'ouvrage) et ce retour à son style habituel fut pour moi bienvenu.

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