On se sert du roman policier pour faire passer toutes sortes de « messages », messages prétendument humanitaires, ou carrément philosophiques! Il y a un courant assez fort, actuellement, qui véhicule des trames ayant pour base l’indispensable policier véreux et l’assassin, innocente victime du sort. ... Entre parenthèses, aucun suspens quant à l’identité du coupable : c’est invariablement « la société ». Et tout cela, bien sûr, baigne la plus béate utopie.

— Paul Halter, À 139 pas de la mort

mardi 1 novembre 2011

Le Crime de Dédale — Paul Halter (1997)

Je suis fasciné par l’idée centrale du livre Le Crime de Dédale de Paul Halter. Oubliez tout que vous avez appris de la mythologie grecque : Halter crée une version alternative. Les personnages des légendes antiques, tels que le roi Minos et l’inventeur Dédale, sont au centre de l'intrigue.

En 1937, le professeur Lewis Newcomb fait une découverte excitante : un récit du roi Minos, racontant un crime que Dédale a commis... le meurtre du Minotaure !!! Dédale était enfermé dans une chambre, dont la porte était surveillée par le roi Minos lui-même. Le minotaure était enfermé dans une autre chambre, séparé de celle de Dédale par un mur solide. Trois gardes surveillaient cette chambre close grâce à un « puits de lumière ». Ils affirment que personne n'est entré ni sorti. Qui plus est, Minos avait demandé juste avant à Dédale de couper l’oreille gauche du monstre, comme preuve de ce qu'il avait bien tué le monstre lui-même.

Tout cela parait assez impossible, mais quand les portes sont ouvertes, le Minotaure est bel et bien mort, la gorge tranchée et l'oreille gauche coupée ! Minos essaie de mettre la mort du monstre sur le dos de Thésée, mais n’arrive pas à convaincre la reine Pasiphaé. Celle-ci est convaincue de la culpabilité de Dédale, et demande sa tête. Alors que tout le monde se trouve réuni dans la cour centrale, Dédale demande la chance de transmettre une dernière invention au monde avant de mourir : le vol humain ! La reine hésite, puis donne sa permission. Dédale et Icare endossent alors leurs célèbres ailes de cire et—quel choc !— s'envolent et disparaissent dans le ciel.


Mais Minos sait que c’était un truc… il avoue même en être complice. L'idée - créer des crimes impossibles utilisant la mythologie grecque – est excellente, et me plait beaucoup; on voit les événements se dérouler et on peut deviner comment  ils ont abouti aux légendes que nous connaissons.

Mais voici le problème majeur du livre : la majorité de l’histoire se passe en 1937. Pour la première partie, ce n’est pas un grand problème… on y trouve un meurtrier en série qui commence à tuer des archéologues, en se faisant passer pour une créature de la mythologie grecque, « Talos ». C'est une idée géniale… Les véritables problèmes commencent lorsque nos héros de 1937 décident d’aller en Crète pour trouver le labyrinthe de Minos.

Un personnage surtout pose problème: Kate Jones. Je peux penser à plusieurs adjectives pour la décrire, mais la plupart sont des « gros mots ». Kate est une femme orgueilleuse, qui n'aime qu'elle-même. Elle manipule les hommes et prend plaisir à le faire. Elle se montre tout particulièrement cruelle avec Milton, un brave garçon qui l’adore et ferait presque n’importe quoi pour elle. Bref, sitôt qu'elle endosse le rôle de narrateur au début de la deuxième partie, le lecteur souhaite que le Minotaure revienne à la vie et la dévore.

Nonobstant ce personnage problématique, le livre est dans l'ensemble bien écrit. Halter emploie quelques métaphores - telles que « le labyrinthe de l’âme » - qui sont vraiment cliché et ne fonctionnent pas trop bien et les personnages ne sont pas très développés, mais l’intrigue est excellente, et la lecture toujours intéressante.

Les énigmes sont de qualité variable. Celle de 1937 n’a rien de spécial—le coupable n’est pas trop surprenant, mais son mobile est excellent. Le meurtre du Minotaure reçoit quant à lui une solution élégante et simple, malgré un indice un peu trop évident. Si je lisais ce livre en anglais, je pense que j’aurais eu une meilleure chance de résoudre le mystère— lisant en français, c’est un peu plus difficile. En revanche, la méthode que Dédale et Icare utilisent pour s’envoler est sans relief, voire franchement ennuyeuse.

Je pense que Le Crime de Dédale fonctionnerait mieux sous une forme plus ramassée. Si on élimine l’histoire de 1937, on trouve une idée géniale et un excellent crime impossible. Je ne regrette pas la lecture, même si j'ai détesté l’héroïne. Vous ne perdriez pas grand-chose à ne lire que la partie se déroulant dans l'antiquité et celle où l'envol de Dédale et Icare est expliqué, mais le livre dans son ensemble est très plaisant.

1 commentaire:

  1. Enfin un nouvel article!

    Je partage ton avis à propos de ce roman: il n'est réussi que partiellement, mais le crime impossible principal est de très bonne facture.
    C'est un jalon dans la carrière littéraire de Paul Halter car il s'agit de son premier ouvrage d'inspiration mythologique. Parmi les suivants exploitant ce filon, certains figurent parmi ses meilleurs romans, les légendes grecques lui permettant de se renouveler et de proposer quelques unes de ses énigmes les plus originales.

    RépondreEffacer