— Non. À l’heure actuelle, vous êtes sans conteste le meilleur. Le seul qui, au mépris de notre époque où hélas le mystère et le merveilleux cèdent le pas à la violence et au sexe, le seul qui persiste à écrire des énigmes digne de ce nom. Je dirai même que vous êtes le dernier défenseur de l’authentique roman policier.
— le docteur Alan Twist, La Quatrième Porte
Cette citation de La Quatrième Porte s’applique particulièrement à l’œuvre de Paul Halter. Sans doute se considère-t-il comme le défenseur du roman d’énigme, à une époque où le «noir » le dépasse en popularité. Pas besoin d’intrigue, d’avoir de véritables indices, ou même d'une énigme ! Rien que de la Psychologie et du Social, et les critiques se pâment...
L’ingéniosité qu’on trouve dans le roman La Quatrième Porte démontre que Paul Halter est capable d’écrire un roman policier dans un style « classique ». Tous les indices nécessaires pour résoudre le problème sont là. Ajoutez-y beaucoup d’imagination, une « chambre close » géniale, une bonne création d'atmosphère, des personnages assez sympas; et vous avez un chef-d’œuvre.
Notre histoire commence dans un village anonyme de la campagne anglaise. Le narrateur, James Stevens, est un jeune homme qui a commencé ses études à l’université. Sa sœur, Elizabeth, aime son meilleur ami, Henry White. Un autre ami de Stevens, John Darnley, est également amoureux d'Elizabeth. Les White, Darnley, et Stevens habitent trois maisons situés à proximité les unes des autres. Mrs. Darnley, la mère de John, s’est apparemment suicidée quelques années auparavant, dans une chambre close. Depuis ce temps, Mr. Darnley a accueilli plusieurs locataires sous son toit, mais tous sont partis rapidement, se plaignant de bruits de pas et d'étranges lueurs en provenance de la chambre de la défunte.
Mais tout change lorsque les Latimer arrivent. Patrick et Alice Latimer sont des spirites, Alice en particulier affirmant être un médium. Elle le prouve avec panache, devinant une question que Mr. White a écrit à son épouse décédée et placée dans une enveloppe close, restée tout du long sous la surveillance de témoins.
L’histoire ne termine pas là : Patrick Latimer décide de contacter le fantôme de la pauvre Mrs. Darnley en passant la nuit dans la chambre maudite. La porte est fermée et scellée avec de la cire et l’empreinte d’une pièce rare, choisie par un témoin indépendant peu avant l’expérience, après quoi, le témoin conserve la pièce par-devers lui. Mais à l'ouverture de la porte, on découvre un inconnu dans la chambre, un couteau dans le dos ! Un deuxième meurtre est commis par la suite, quand un homme est trouvé assassiné dans sa maison entourée d'une neige vierge de toute trace de pas...
Ce n'est là qu'un échantillon d’une intrigue assez compliquée où il est question entre autres de bilocation, de résurrection, de réincarnation, d'une chambre maudite, et les trucs employés par les médiums… si ce sont des trucs ! Les solutions des chambres closes sont toutes excellentes : simples, faisables, convaincantes. Et quand l’enquête se met en marche, Halter démontre sa maîtrise de l’intrigue. Il n’y a jamais un moment ennuyeux, et Halter manipule brillamment le lecteur.
Il y a quelques choses un peu bizarres avec ce roman. Mon exemplaire compte seulement 188 pages, et c’est seulement après la 140ième que le docteur Twist apparaît. Je commençais à me demander où il était. Après tout, j’ai entendu beaucoup de fois qu'il était le héros du roman. Halter trouve une façon excellente de l’introduire dans l’action, et même si son partenaire, l’inspecteur Hurst, n'apparaît pas dans ce roman, il est mentionné. (On présente souvent La Quatrième Porte comme le premier roman de Halter, mais l'honneur revient en fait à La Malédiction de Barberousse, que je suis en train de lire.)
Le « style Halter » dans ce livre est honnête. Les personnages ne sont pas développés sur 368 pages, mais ils étaient tous plus que des noms. Je les ai trouvés assez sympas, et je voulais savoir comment leur histoire finirait. L’atmosphère n’est pas créée avec l’habileté d’un Grand Maître comme Edgar Allan Poe ou John Dickson Carr, mais elle est assez bonne, avec un sentiment de malaise dominant l'ensemble.
J’aime aussi beaucoup l'humour de M. Halter, comme par exemple ici, quand James se moque de sa sœur et son amour pour Henry :
Je me levai, gagnai ma bibliothèque, pris le premier tome d’une volumineuse encyclopédie et le lui posai sur les genoux en déclarant avec un rien d’ironie :
— Comme tu m’en parles si souvent et que le cas est si intéressant, j’ai écrit une petite monographie de huit cent pages à son sujet, mais ce n’est que le premier volume et…
Ayant pour ma part deux sœurs ainées, ces mots m’ont rappelé des jours plus simples, quand nous vivions tous sous le même toit et échangions ce genre de plaisanteries.
Pour le dire courtement, La Quatrième Porte est sans conteste un chef-d’œuvre. L’intrigue est maline, d'une ingéniosité diabolique. L’identité du coupable est une véritable surprise, et le livre est vraiment agréable à lire. J’ai décidé d’acheter le livre après que John Pugmire ait annoncé qu’une traduction anglaise, The Fourth Door, est disponible sur Amazon— et je ne regrette pas du tout cette décision! J’aime beaucoup l’œuvre et l’imagination de M. Paul Halter, et je suis content que ses romans commencent à apparaitre en anglais. Peut-être le monde Anglo-Saxon appréciera-t-il l’ingéniosité de M. Halter. On le compare souvent à John Dickson Carr, mais la comparaison est rarement aussi justifié qu’avec La Quatrième Porte. Bravo !!!
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